Bicuspidie aortique- Le point de vue patient

  1. Accueil
  2. »
  3. Maladies congénitales
  4. »
  5. Bicuspidie aortique- Le point de vue patient

Je m’appelle Lahouaria et j’ai 46 ans au moment d’écrire ces lignes. Je suis née avec une malformation cardiaque au niveau de la valve aortique, qu’on appelle plus communément une bicuspidie aortique.

Vivre avec une bicuspidie aortique

Au fil des années, cette particularité a entraîné un rétrécissement modéré de la valve. Ce changement progressif serait lié à un processus inflammatoire affectant une valve qui, dès le départ, ne fonctionnait pas tout à fait comme celle de la majorité des gens.

Normalement, la valve aortique est formée de trois petits feuillets souples — comme de minuscules parachutes inversés — qui s’ouvrent et se referment à chaque battement de cœur. Leur rôle est de permettre au sang de sortir du cœur, puis d’empêcher qu’il ne reflue vers le ventricule gauche.

Dans mon cas, il n’y en a que deux. Deux feuillets qui font le travail de trois.

Aujourd’hui, je veux vous raconter mon parcours de vie avec cette malformation congénitale, du point de vue d’une femme, d’une mère… et d’une patiente.

Une enfance tout à fait normale

Je suis originaire d’Algérie. Ma mère n’avait malheureusement pas eu de suivi de grossesse, et j’ai vu le jour à la maison, sans complications apparentes.

J’ai grandi sans symptômes particuliers, je faisais de l’activité physique comme les autres enfants.

Une découverte fortuite

Vers l’âge de 4 ans, ma mère m’a fait examiner par un médecin chinois, présent sur son lieu de travail. Il a détecté un souffle au cœur, ce bruit entendu à l’auscultation qui peut révéler une anomalie.

Lecture suggérée : Souffle au cœur

Un rendez-vous chez le cardiologue

Il lui a conseillé de consulter un cardiologue. À l’époque, le spécialiste n’a pas donné beaucoup d’explications. Peut-être qu’il ne s’inquiétait pas trop.

J’étais en bonne santé, ma mère avait une assurance médicale privée, et j’ai continué à vivre une enfance sans restriction.

Mon arrivée au Canada

En novembre 1999, à 25 ans, je suis venue m’installer au Canada pour rejoindre mon conjoint. À mon arrivée, un examen médical a été jugé normal.

Trois mois plus tard, j’étais enceinte.

Une grossesse sous surveillance

Le suivi de grossesse ici est très structuré. Dès ma première consultation, mon souffle cardiaque a été détecté. J’avais presque oublié qu’il existait, tant je me sentais bien.

C’est à ce moment qu’on a diagnostiqué ma bicuspidie aortique.

Mon gynécologue m’a référée à un cardiologue à l’hôpital St-Luc, où j’ai passé une échocardiographie.

Le cardiologue m’a expliqué que la malformation était congénitale, mais qu’il n’y avait pas encore de rétrécissement de la valve. Aucune contre-indication à la grossesse, et même à d’autres grossesses par la suite.

Il m’a cependant recommandé un suivi régulier avec des échographies cardiaques, et une bonne hygiène buccale — car une valve bicuspide est plus sujette aux infections.

Lecture suggérée : Prévention endocardite bactérienne

Grossesses sans complications

Ma première grossesse s’est très bien déroulée, tout comme l’accouchement. Ma fille est née en santé.

Une vie normale

Je suis restée une femme active. Cette anomalie ne m’a jamais empêchée de vivre pleinement.

Premiers symptômes

En 2012, j’ai ressenti des douleurs à la poitrine. À l’Hôtel-Dieu de Montréal, j’ai passé plusieurs examens.

C’est là qu’on m’a annoncé que j’avais maintenant une sténose aortique modérée : ma valve commençait à se refermer partiellement.

Deux autres grossesses, et un suivi attentif

J’ai souhaité avoir un deuxième enfant. Avec prudence, j’ai demandé l’avis de mon cardiologue. Il m’a donné le feu vert.
Cette grossesse aussi s’est bien déroulée. Et un an plus tard, j’ai eu mon troisième enfant.

Je ne remercierai jamais assez l’équipe médicale qui m’a suivie, en particulier mon cardiologue.
Aujourd’hui, mes filles ont 20, 7 et 6 ans. Elles vont très bien.

Depuis ce diagnostic, ma valve est demeurée stable. Les échocardiographies montrent qu’elle fonctionne toujours au même niveau.

Envisager l’avenir

Je souhaite de tout cœur que cette stabilité dure encore longtemps. Mais si jamais ma valve devait être remplacée, la solution actuelle est encore une chirurgie à cœur ouvert.

Heureusement, une technique moins invasive, avec remplacement par cathéter, est de plus en plus utilisée. J’espère qu’elle deviendra la norme d’ici là.

Une peur bien réelle

Je dois avouer qu’il m’arrive, certains soirs, d’angoisser à l’idée de ne pas me réveiller. Peur que mon cœur fatigue…
Si j’étais restée en Algérie, je pense sincèrement que je ne serais plus là aujourd’hui.

Mais je repense aux paroles de mon cardiologue, qui m’a dit que j’avais droit à une vie normale, à condition de tout faire sans excès. Et ça m’apaise.

Une femme reconnaissante

Je me considère chanceuse. D’être au Canada. D’avoir un bon suivi. D’être entourée de mon mari et de mes trois filles adorées.

Ma bicuspidie aortique ne m’a pas empêchée d’avoir des projets, ni de vivre pleinement. Je fais attention à moi : à ma santé physique, à ma santé mentale, à mon hygiène buccale et à mon alimentation.

En terminant

J’espère que mon témoignage vous aura permis de mieux comprendre ce que représente une bicuspidie aortique au quotidien.

N’ayez pas peur de poser vos questions. Il n’y en a pas de mauvaises.

Il est possible de mener une vie normale, même avec une malformation cardiaque.
Adopter de saines habitudes de vie, être actif, bien se nourrir, prendre soin de sa bouche, et respecter son suivi médical, ce sont des gestes simples… qui changent tout.