Aide médicale à mourir — La part spirituelle et la réalité du soin

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Prendre la décision de demander l’aide médicale à mourir (AMM) est profondément personnel. Pour beaucoup, ce choix met en jeu des convictions spirituelles et religieuses qui pèsent autant que la souffrance physique ou l’angoisse liée à la maladie.

Qu’est-ce que l’aide médicale à mourir ?

L’aide médicale à mourir est un acte médical légal au Canada. Elle est réalisée par un médecin ou une infirmière praticienne qui administre des médicaments par injection intraveineuse, à la demande de la personne, afin de provoquer son décès de façon rapide et sans douleur.

Ce soin est réservé aux personnes âgées de plus de 18 ans, capables de prendre seules une telle décision, et atteintes d’une condition médicale grave et irréversible entraînant des souffrances intolérables.

L’AMM n’est pas une alternative aux soins palliatifs, mais une option qui peut s’y ajouter lorsque la souffrance ne peut plus être soulagée d’une manière jugée acceptable par la personne elle-même. Les personnes atteintes d’une maladie cardiaque ou d’une autre maladie grave peuvent se référer à des critères précis d’admissibilité, à des étapes claires et à un accompagnement prévu dans ce processus.

Qui peut faire une demande ?

Parler d’aide médicale à mourir soulève beaucoup d’émotions. Mais au-delà de la réflexion personnelle et spirituelle, il existe aussi un cadre légal très précis. Celui-ci a été mis en place pour protéger les personnes vulnérables et s’assurer que la décision est vraiment réfléchie.

Critères d’éligibilité

Pour être admissible à l’AMM au Canada, certaines conditions doivent être réunies :

  1. Être majeur(e) : avoir 18 ans ou plus.
  2. Vivre avec une maladie ou un handicap grave et incurable : par exemple, une maladie cardiaque sévère ou une autre condition médicale irréversible. Cette maladie doit entraîner des souffrances physiques ou psychologiques continues et intenses, jugées insupportables par la personne elle-même.
  3. Pouvoir consentir : être en mesure de comprendre la nature de sa maladie, de son pronostic, des options de traitements et des conséquences de ses décisions  afin de donner un consentement libre et éclairé.
  4. Souffrance intolérable : éprouver une souffrance persistante que les autres traitements disponibles ne permettent pas de soulager de manière satisfaisante.
  5. Demande volontaire et réfléchie : la décision doit être faite librement, sans pression, après avoir exploré les options de soins et de soutien.

👉 À noter : pour l’instant, les maladies psychiatriques graves et incurables ne donnent pas accès à l’AMM au Canada.

Une fois ces critères bien compris, il reste la partie la plus délicate : la réflexion intime. Car au-delà de la loi et de la médecine, ce choix s’enracine dans les valeurs profondes de chacun, en particulier dans la dimension spirituelle.

Le poids des valeurs spirituelles

Pour plusieurs personnes, la foi et la relation à un être supérieur donnent un sens profond à la vie et à la souffrance. Certaines traditions religieuses ou expressions populaires — par exemple « offre ta douleur au bon Dieu » — encouragent à accepter la souffrance comme une épreuve.

Cette perspective peut rendre l’idée même de demander l’AMM difficile, voire impensable.

Mais la spiritualité est multiple. La plupart des religions prônent avant tout la compassion, la dignité et l’amour. Rien n’oblige une personne à souffrir inutilement au nom d’une foi. Ainsi, la réflexion devient intime : comment concilier la spiritualité avec ce désir de mettre un terme à une souffrance irrémédiable ?

Héritage culturel et éducation religieuse

Beaucoup d’entre nous ont grandi dans un cadre judéo-chrétien ou dans d’autres traditions où la souffrance possède une signification morale. Ces messages, transmis par l’éducation familiale ou sociale, peuvent créer un conflit intérieur : d’un côté la loyauté aux valeurs reçues, de l’autre le besoin de préserver sa dignité face à la souffrance.

Reconnaître cet héritage — sans s’en sentir prisonnier — aide à clarifier la décision. Il ne s’agit pas d’abandonner sa foi, mais de réinterroger ce que la foi signifie pour soi, ici et maintenant.

Une décision courageuse et réfléchie

Choisir l’AMM n’est pas un « raccourci » ni un acte impulsif comparable à un bouton de réinitialisation. C’est une décision mûrie, souvent après de longues périodes de réflexion, de dialogue avec des proches, des équipes médicales et parfois des conseillers spirituels.

Poser une date ou formuler cette demande signifie, pour certaines personnes, reprendre la main sur la fin de leur vie — préserver leur dignité, éviter des épreuves jugées inutiles et protéger parfois leurs proches d’un fardeau de souffrance prolongée.

Le regard des autres et la peur du jugement

La crainte d’être jugé par la famille, la communauté ou la société peut peser lourdement. Certains proches n’acceptent pas la réalité de la maladie ou redoutent la solitude que la décision révèle.

Vouloir l’AMM ne signifie pas « abandonner » ses proches : pour plusieurs, c’est au contraire une manière de les protéger.

Solitude, soutien et accompagnement

La démarche ne se fait pas seule. Les équipes médicales, les proches, les conseillers spirituels ou pastoraux peuvent offrir un accompagnement pour soutenir la réflexion.

L’important est de créer un espace où la personne peut parler librement de ses doutes, de ses peurs et de ses convictions.

Les étapes à suivre une fois la décision prise

Prendre cette décision est un moment très important, qui demande du courage et de la réflexion. Lorsque ce choix est fait, un processus clair existe pour accompagner la personne et s’assurer que tout se déroule dans le respect de sa volonté.

Au Canada, l’aide médicale à mourir (AMM) est encadrée par une loi fédérale. Toutefois, chaque province et territoire peut préciser certains aspects de son application.

De façon générale, deux trajectoires existent :

  • l’une concerne les personnes dont la mort naturelle est jugée raisonnablement prévisible, et
  • l’autre celles dont l’espérance de vie est plus longue.

 

Ces trajectoires ont des exigences différentes, notamment en ce qui concerne les délais et les évaluations médicales.

1. Demande d’information

Toute démarche commence par une recherche d’information. Un professionnel de la santé — qu’il s’agisse d’un médecin, d’une infirmière praticienne ou d’un autre membre de l’équipe — a la responsabilité de fournir des renseignements ou de référer la personne vers une ressource appropriée si nécessaire.

2. La demande officielle

La demande doit être faite par écrit, au moyen d’un formulaire prévu par la loi. Elle doit être signée avec un professionnel de la santé ainsi que devant un témoin indépendant qui atteste que la décision est volontaire et sans pression. Le document est ensuite ajouté au dossier médical de la personne.

3. Première évaluation médicale

Un premier professionnel compétent (médecin ou infirmière praticienne) évalue la demande afin de vérifier que les critères légaux sont respectés : maladie grave et incurable, souffrance jugée intolérable, capacité de comprendre et de consentir, décision libre et réfléchie.

Cette évaluation permet également de déterminer sur quelle trajectoire se situe la personne, ce qui aura une incidence sur les délais à respecter.

Les deux situations prévues par la loi canadienne

  • Mort naturelle raisonnablement prévisible : concerne les personnes en fin de vie dont le décès est attendu à court ou moyen terme (par exemple, une insuffisance cardiaque terminale ou un cancer avancé).
    • Délais : il n’y a pas de délai obligatoire entre l’approbation et l’administration de l’AMM. La date est fixée d’un commun accord.
    • Consentement final : la loi permet, sous certaines conditions, de renoncer à donner un consentement final le jour même de l’administration, au cas où la personne perdrait sa capacité à consentir avant cette date.

 

  • Mort naturelle non raisonnablement prévisible : concerne les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable, mais dont l’espérance de vie est estimée plus prolongée (par exemple une maladie neurologique évolutive ou un handicap majeur).
    • Délais : un délai minimal de 90 jours doit être respecté entre le début de l’évaluation et l’administration de l’AMM.
    • Évaluations supplémentaires : durant cette période, des consultations auprès d’autres professionnels (psychologues, travailleurs sociaux, soins spirituels, etc.) peuvent être organisées afin d’assurer que toutes les options de soulagement ont été explorées.

4. Deuxième avis médical

Une deuxième évaluation indépendante, réalisée par un autre professionnel compétent, est toujours requise. Elle vise à confirmer que les critères sont remplis et que la décision est bien éclairée.

5. Planification du soin

Lorsqu’une demande est acceptée et que les conditions sont remplies, on passe à la planification concrète. Une date est alors convenue en tenant compte du cadre légal, des préférences exprimées et des disponibilités de l’équipe soignante. La préparation des médicaments par la pharmacie peut prendre un délai (souvent de l’ordre de 24 à 72 heures selon l’endroit).

Le soin peut se dérouler dans un établissement de santé ou, si souhaité et possible, au domicile. Parce que les médicaments sont administrés par une voie veineuse, il arrive parfois que l’équipe propose la mise en place, à l’avance, d’un accès veineux plus stable pour éviter des difficultés le jour même. L’objectif de cette préparation est de respecter les volontés de la personne et de créer un cadre calme et apaisant.

Il est important de rappeler que la personne garde la liberté de revenir sur sa décision à tout moment, y compris juste avant la procédure. L’accompagnement spirituel, psychosocial ou pastoral peut être proposé à cette étape pour soutenir la personne et ses proches.

6. Le moment de l’aide médicale à mourir

Le jour venu, le professionnel de la santé se présente au lieu choisi, que ce soit à domicile ou dans un établissement. Son arrivée se fait dans un esprit de calme et de respect, en tenant compte du caractère unique et chargé de sens de cette rencontre.

Avant d’aller plus loin, il prend toujours un temps pour s’assurer que la personne est prête, qu’elle comprend bien ce qui va suivre et qu’elle confirme sa décision.

Ce moment, longuement réfléchi, peut être vécu de façon très personnelle. Certaines personnes choisissent d’être entourées de proches, d’écouter une musique apaisante, ou d’intégrer un rituel qui correspond à leurs valeurs ou à leur spiritualité.

Le professionnel peut alors répondre aux questions de dernière minute, rassurer les proches et rappeler que la décision peut être révoquée jusqu’à la toute fin.

Lorsque tout est confirmé, l’équipe veille à installer une atmosphère empreinte de sérénité. L’administration des médicaments se fait doucement, dans un cadre respectueux, avec pour objectif que la fin de vie soit paisible, digne et sans souffrance.

7. Constatation du décès et démarches suivantes

Le décès est constaté sur place par le professionnel qui a assuré l’intervention. Si l’acte a eu lieu au domicile, les documents officiels nécessaires sont transmis au salon funéraire choisi, qui se coordonnera ensuite avec la famille pour la prise en charge du corps au moment souhaité.

Un soutien de deuil et des ressources pour les proches peuvent être proposés après le décès, afin d’accompagner ceux qui restent.

Un choix intime, un accompagnement essentiel

L’aide médicale à mourir demeure une décision à la fois intime et complexe, située au carrefour de la souffrance, de la dignité et des valeurs personnelles.

Qu’elle soit envisagée ou non, elle rappelle l’importance d’un accompagnement bienveillant, du respect des volontés et du dialogue entre la personne, ses proches et les soignants.