
LA CARDIOMYOPATHIE INDUITE PAR L'ARYTHMIE
Les cardiomyopathies sont des maladies du muscle du cœur. L’une d’elles est appelée cardiomyopathie induite par l’arythmie où le muscle principal du cœur, le ventricule gauche, s’affaiblit à cause de rythmes cardiaques anormaux. Cette condition est potentiellement réversible.
Certaines arythmies qui sont en cause
En général, les rythmes cardiaques anormaux sont appelés « arythmies », toutefois, dans le cas d’une fréquence cardiaque trop rapide, on les nomme « tachycardies ».
Des tachycardies auriculaires (cavités supérieures du cœur) ou ventriculaires (cavités inférieures), ou des battements prématurés fréquents des ventricules peuvent provoquer cette cardiomyopathie. Il est possible qu’une amélioration partielle ou totale du ventricule gauche se produise quand l’arythmie est maîtrisée.
Deux catégories
Il y a 2 catégories de cardiomyopathie induite par l’arythmie :
- l’une, quand l’arythmie est la seule cause de la cardiomyopathie;
- l’autre, quand l’arythmie provoque des dommages additionnels, c’est-à-dire lorsque celle-ci détériore davantage la fonction du muscle cardiaque et/ou aggrave les symptômes d’insuffisance cardiaque chez les patients atteints d’une maladie cardiaque coexistante.
Un diagnostic ne peut être posé qu’après le rétablissement et la stabilisation d’un rythme cardiaque normal ou suite à une surveillance rigide de la fréquence cardiaque dans le cas d’une arythmie.
Quels sont les symptômes et les éléments cliniques des cardiomyopathies induites par l’arythmie?
L’élément clé est la présence simultanée d’un rythme cardiaque anormal et celle d’un affaiblissement non expliqué du muscle cardiaque (cardiomyopathie).
La relation entre l’arythmie et la cardiomyopathie est difficile à établir parce que l’arythmie peut exister pendant des années avant d’être décelée et que se développe une cardiomyopathie.
Donc, les symptômes peuvent se manifester tardivement suite à un affaiblissement du cœur ou apparaître progressivement dans le temps avec l’évolution de plus en plus marquée des symptômes.
Symptômes les plus communs
Les symptômes habituels sont le résultat d'une insuffisance cardiaque due à la faiblesse du ventricule gauche.
On retrouve parmi ces symptômes :
- un essoufflement à l’effort ou au repos,
- une incapacité de s’allonger sans sentir de l’essoufflement,
- une enflure des jambes et de l’abdomen,
- une sensation de fatigue de plus en plus marquée et un manque d’énergie.
Symptômes reliés à l’arythmie
Des symptômes peuvent également être liés à l'arythmie sous-jacente elle-même :
- des battements cardiaques rapides ou anormaux en continu (palpitations),
- des étourdissements et de la fatigue à l’effort, entre autres symptômes.
Comment en arrive-t-on à poser un diagnostic de cardiomyopathie induite par l’arythmie?
En plus d’une consultation avec le patient au cours de laquelle on évaluera ses symptômes et autres caractéristiques, on aura recours à plusieurs tests précis qui sont essentiels pour en arriver à établir un diagnostic de cardiomyopathie induite par l’arythmie.
- Électrocardiogramme (ECG) : une tachycardie persistante peut être observée sur un simple ECG à 12 dérivations (p. ex., une fibrillation ou tachycardie auriculaire) ou des battements prématurés fréquents (extrasystoles supraventriculaires ou ventriculaires (ESSV) ou (ESV).
- Moniteur Holter : il arrive parfois que l’arythmie ou la tachycardie ne soit pas visible sur un ECG à 12 dérivations.
Il s’agit d'installer un moniteur externe que le patient porte pendant au moins 24 heures. Ce dispositif démontre l’étendue et la charge de l'arythmie tout au long de cette période.
Par exemple : si l’arythmie est due à une fibrillation auriculaire, l’appareil peut identifier la fréquence cardiaque moyenne en arythmie de même que la durée de celle-ci.
Si l'arythmie problématique est constituée de fréquentes contractions cardiaques prématurées de type ESV, le moniteur Holter est alors en mesure de déterminer le pourcentage de ce type de battements pendant la période de surveillance.
- Échocardiographie transthoracique : une cardiomyopathie induite par l’arythmie révèle toujours l’existence d’un affaiblissement du ventricule gauche. D’autres cavités du cœur peuvent être affectées également.
Certaines caractéristiques particulières d’un patient peuvent indiquer une plus grande probabilité d’une cardiomyopathie induite par l’arythmie. Les patients atteints de cette cardiomyopathie ont parfois un cœur de dimensions réduites ou précisément, un diamètre ventriculaire gauche plus petit par rapport à ceux qui ont une cardiomyopathie préexistante associée à une tachyarythmie.
- IRM cardiaque (Imagerie par Résonance Magnétique) : il pourrait être opportun d’exclure toute autre cause, telle que celle d’un ventricule gauche affaibli et d’envisager la possibilité de poser un diagnostic de cardiomyopathie induite par l’arythmie.
Si le problème d’arythmie est dû à des contractions prématurées fréquentes de type ventriculaires (ESV), un examen radiologique IRM du cœur pourra montrer la présence d’une lésion qui viendrait contredire le diagnostic de
- Coronarographie : une procédure invasive par laquelle un cathéter est avancé à travers une artère du poignet ou de l'aine; il est utilisé pour injecter un produit de contraste dans les artères entourant le cœur. Ce test permet d’éliminer toute cause qui serait à l’origine de l’affaiblissement du ventricule gauche, telle qu’une obstruction artérielle.
Mécanismes et gestion de la cardiomyopathie induite par l’arythmie
Le traitement de la cardiomyopathie induite par l’arythmie focalise principalement sur le contrôle ou l’élimination de l’arythmie.
Une réponse favorable au traitement confirme le diagnostic. Il existe une certaine controverse concernant la nécessité de continuer les médicaments une fois qu’il y a un rétablissement de la fonction cardiaque normale.
L’œuf ou la poule?
Finalement, il s’avère difficile de déterminer si l’arythmie est l’initiatrice ou la conséquence de la cardiomyopathie chez un patient atteint de tachycardie et d’insuffisance cardiaque.
Il arrive souvent que l’arythmie soit considérée comme étant secondaire et n’est pas soignée comme elle le devrait.
En fait, le contrôle de l’arythmie est essentiel pour un rétablissement complet.
Autres points importants
Bien qu’il y ait un lien entre une fréquence cardiaque élevée et une lésion myocardique :
- la cardiomyopathie induite par l’arythmie est rare, sinon inexistante, chez les patients atteints de tachycardie sinusale inappropriée et du syndrome de tachycardie orthostatique posturale (STOP), même si la fréquence cardiaque moyenne pendant les heures de veille est supérieure à 100 battements/minute.
Typiquement, la fréquence cardiaque nocturne dans ces troubles est plus lente étant donné l'absence d'influence
- Il n'existe pas de seuil de fréquence cardiaque spécifique à partir duquel la CIA peut se développer. La fréquence peut dépendre de l’âge.
- On ne sait pas grand-chose des facteurs qui augmentent la vulnérabilité des patients présentant une CIA, mais on a mentionné un lien génétique.
Arythmies en cause
- Fibrillation auriculaire
La FA est la cause la plus fréquente de la cardiomyopathie induite par l’arythmie chez les adultes.
Il y a plusieurs facteurs qui contribuent à l’affaiblissement du cœur :
- en raison de la fréquence cardiaque rapide et irrégulière de la FA, il y a une déficience des ventricules qui n’arrivent pas à se détendre complètement et, en conséquence, moins de sang est accepté dans les ventricules et ainsi moins de sang est pompé vers l’avant;
- parce que les oreillettes sont en fibrillation, il manque une importante contribution auriculaire au remplissage des cavités inférieures.
Ces 2 facteurs sont exacerbés par une augmentation de la fréquence cardiaque.
Séquence du fonctionnement
Tout d’abord, les ventricules commencent à se dilater afin de compenser, mais avec le temps écoulé dans le réglage de la fibrillation auriculaire rapide, la fonction ventriculaire se met à faiblir à son tour.
Finalement, en l'absence d'une circulation sanguine efficace vers l’avant, la pression à l'intérieur des cavités cardiaques augmente. Il s’ensuit un reflux de pression vers les poumons, provoquant très probablement un œdème pulmonaire, plus familièrement désigné par « avoir de l’eau dans les poumons ».
Traitement
Le traitement comprend des méthodes pharmacologiques et/ou interventionnelles.
- Contrôle de la fréquence
Une stratégie de surveillance de la fréquence cardiaque peut être tentée dans un premier temps en utilisant des médicaments qui la contrôlent, notamment les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques et, moins fréquemment, la digoxine.
- Contrôle du rythme
Le rétablissement et le maintien d’un rythme sinusal normal constituent une autre option au traitement de la fibrillation auriculaire.
Tous les patients ne sont pas candidats à une approche de contrôle du rythme. Cela signifie la fin de la fibrillation auriculaire vers un rythme régulier qu’on appelle sinusal. Cette cardioversion peut s’effectuer de façon électrique ou par la mise en place de médicaments antiarythmiques tels que : amiodarone, sotalol ou dofetilide pour les patients présentant une déficience cardiaque et une fibrillation auriculaire rapide.
Approche interventionnelle
Pour un nombre croissant de patients, une approche interventionnelle où l’on procède à l’ablation de la fibrillation auriculaire par cathéter est une excellente option pour le maintien d’un rythme sinusal normal.
Autre option interventionnelle
Dans le cas des patients ne répondant pas aux médicaments qui contrôlent la fréquence cardiaque ou qui sont jugés inaptes au rétablissement d’un rythme sinusal normal, un cardiologue peut recommander une intervention en 2 étapes, soit :
- l’implantation d’un pacemaker,
- l’ablation du nœud auriculo-ventriculaire. (NAV) est effectuée plusieurs semaines-mois après l’implantation.
Pour bien comprendre la nécessité de la première étape, il faut effectuer un retour sur un détail du fonctionnement cardiaque.
La transmission d’électricité des oreillettes aux ventricules ne peut se faire que d’un seul endroit. À ce poste-frontière, il y a un chien de garde ou un douanier qui surveille le passage.
Ce rôle appartient à un îlot de cellules, appelé nœud auriculo-ventriculaire, qui permet à l'électricité de se déplacer des oreillettes aux ventricules à une fréquence maximale.
L’implantation d’un pacemaker est nécessaire pour maintenir la stimulation ventriculaire, étant donné la destruction éventuelle du seul point de transmission électrique entre les oreillettes et les ventricules. Ce n’est qu’après quelques semaines ou mois que l’ablation peut se faire en toute sécurité.
Les autres arythmies en cause
- Flutter auriculaire
Cette arythmie est la sœur jumelle de la FA. Elles partagent un grand nombre de facteurs similaires qui contribuent à un affaiblissement du cœur, tel que décrit précédemment.
Les mêmes stratégies de contrôle de la fréquence et du rythme peuvent être utilisées.
Une approche interventionnelle donne de meilleurs résultats
Ne considérant que les aspects mécanistes, la cause sous-jacente de la cardiomyopathie induite par l’arythmie est semblable à celle de la fibrillation auriculaire. Cependant, son traitement n’est pas le même.
L'ablation par radiofréquence de la fibrillation auriculaire droite typique a un taux de réussite très élevé (>96 %) et ne présente qu’un risque minimal de complications. Il en résulte que l’ablation est le traitement le mieux indiqué pour cette cardiomyopathie.
- Extrasystoles ventriculaires prématurées (ESV) fréquentes
Les ESV fréquentes peuvent mener à la cardiomyopathie induite par l’arythmie sans maladie cardiaque connue et, inversement, elles sont à même d’exacerber un cœur affaibli chez les patients qui sont déjà atteints d’une maladie cardiaque.
Le mécanisme
La cause menant à la cardiomyopathie induite par des extrasystoles ventriculaires n’est pas bien connue, malgré que quelques hypothèses soient actuellement soulevées.
Indicateurs importants de la cardiomyopathie induite par l’arythmie
L’indicateur le plus important de ce type de cardiomyopathie chez les patients atteints d’ESV fréquentes est leur lourd fardeau quotidien.
En effet, celui-ci se situe entre >10,000 et 25,000 ESV par jour et à un total de >10 % à 24 % de battements de cœur quotidiennement.
La fonction ventriculaire peut s’améliorer si la quantité d’ESV diminue à <5000 par jour.
Un nombre d’ESV plus considérable enregistré sur un électrocardiogramme est généralement associé à un risque plus élevé de CIA qu'une quantité d’ESV moindre.
Traitement des ESV
Le traitement des ESV a pour but de les réprimer ou de les éliminer. L’un et l’autre incluent soit une thérapie pharmacologique ou interventionnelle.
- Suivi thérapeutique pharmacologique
En général, le traitement commence par un bêtabloquant ou un inhibiteur calcique car ce sont des traitements à faible risque, toutefois leur efficacité est limitée.
Quand un autre genre de traitement est prescrit ou qu’un médicament supplémentaire est nécessaire, on aura recours à une médication antiarythmique. Les dofetilide, mexiletine, sotalol et amiodarone sont des médicaments antiarythmiques qui s’avèrent les plus efficaces, bien qu’ils aient un risque plus élevé d’effets secondaires et d’être proarythmiques, c’est-à-dire qu’ils favorisent les arythmies.
La prise de médicaments antiarythmiques est souvent réservée aux patients qui ne parviennent pas à bénéficier d’une ablation par cathéter ou qui sont réticents à y consentir.
- Thérapie interventionnelle
L’ablation par cathéter est apparue comme la thérapie définitive pour la CIA à médiation ESV avec des taux de réussite allant de 50 % à 90 %, selon l’emplacement des battements supplémentaires et la fréquence des ESV le jour de l’ablation.