
Épisode17: Première chirurgie de pontage
La coronarographie nous permettait de voir les blocages des artères coronaires. Qu'allions-nous faire alors!
Comment faire pour pallier ces blocages qui limitent l’apport d’oxygène à ce muscle qui se contracte sans répit?
Le Dr Charles Bailey, à Philadelphie, a sa petite idée là-dessus. Il enlève déjà les plaques d’athérome qui se sont formées dans les grosses artères des jambes. Il tente d'utiliser le même procédé mais dans les artères coronaires cette fois.
Les artères coronaires étant d'un beaucoup plus petit calibre et pardonnent peu, les résultats sont catastrophiques. Le retrait des plaques dans ces petits vaisseaux provoque la formation de caillots sanguins qui bouchent complètement l'artère coronaire et causent ainsi la crise cardiaque.
Le Dr Claude Beck, à Cleveland, croit contourner les blocages dans les artères coronaires en poussant plus de sang oxygéné dans les veines du cœur. Il nomme cette procédure : la rétroperfusion. Elle consiste à connecter l’aorte à la grosse veine du cœur, le sinus veineux.
Il abandonne cette technique suite au décès de son seul patient au lendemain de la chirurgie.
Un chirurgien cardiaque canadien, Dr Arthur Vineberg, aura une toute autre idée pour améliorer l’apport d’oxygène au cœur : « Pourquoi ne pas amener sang oxygéné directement dans le muscle cardiaque? ». Pour ce faire, il utilise une artère qui se trouve sur le thorax, de chaque côté, qu’on appelle l’artère mammaire interne.
La technique, qui portera le nom de son inventeur, consiste à faire dévier une de ces artères et de l’implanter à l’intérieur du muscle cardiaque.
La procédure de Vineberg eut un certain effet bénéfique avec une réduction des épisodes d’angine. Cependant, quelques cardiologues demeuraient sceptiques. Ceux-ci mentionnaient que les patients se sentaient mieux en raison de l’effet placebo, c’est-à-dire l’effet créé par le simple fait d’avoir eu une chirurgie de Vineberg ou encore en raison d’une perte de la sensation de la douleur d’angine à la suite du sectionnement de petits nerfs lors de la chirurgie.
Dr Mason Sones pense mettre fin à ces suppositions et démontre, au moyen d'une angiographie de cette artère implantée dans le muscle, que celle-ci fonctionne bien chez plus de 92 % des patients.
De plus, la circulation amenée par l’artère mammaire interne forme un petit réseau de connexions avec des branches des artères coronaires chez 54 % de ces individus.
Mais était-ce si évident? Non! Alors, la conclusion se situe possiblement quelque part entre les 3 effets soulevés.
En 1967, 9 ans après l’avènement de la coronarographie et la démonstration des blocages dans les artères coronaires, le monde de la cardiologie était à nouveau bouleversé par une procédure chirurgicale pour pallier à ces sténoses coronariennes.
C'est alors que le Dr René Favaloro, un chirurgien argentin, annonçait qu’il avait rétabli la circulation d’une artère coronaire bloquée. Une nouvelle d’autant plus révolutionnaire que les symptômes d’angine avaient disparu chez ce patient.
Le parcours de René Favaloro n’a pas été facile. Étudiant en médecine pendant la Seconde Guerre mondiale, puis les conséquences sur sa carrière de ses idéologies politiques sous le régime Perón lui ont coûté plusieurs années de pratique jusqu’à ce qu’il quitte pour Cleveland. Sous l’aile du Dr Donald Effler, chef de chirurgie thoracique à la Cleveland Clinic, il passera de chirurgien sans spécialisation particulière à celui d’un candidat à grand potentiel. Il refusera un poste prestigieux au sein de cette équipe pour retourner chez lui, en Argentine, développer la chirurgie cardiaque.
La chirurgie de la maladie coronarienne, c’est-à-dire les blocages des artères coronaires, était son idéal. Il commence par créer des ouvertures dans les artères pour les agrandir avec des patchs. Il utilise d’abord des patchs de péricarde, l’enveloppe du cœur, puis des morceaux de veines. Ces deux options mènent au même résultat, la formation de caillots sanguins bloquant l’artère. L'utilisation de patchs devait donc être abandonnée.
Puis lui vint l’idée de faire des ponts qui passeraient par-dessus l’obstruction. Une veine de la jambe allait être ce pont. Le premier bout attaché à l’aorte et le deuxième bout attaché à l’artère malade, au-dessus du blocage. La chirurgie de pontage venait de naître.
Le taux de mortalité relié à sa chirurgie de pontage était d’environ 4 %, donc extrêmement bas pour l’époque.
Le Dr George Green reprendra ce concept, mais se sert d'une artère au lieu d’une veine. Il utilise la façon de procéder du Dr Vineberg, c’est-à-dire dévier l’artère mammaire interne gauche et la raccorder à l’artère malade, derrière l’obstruction.
Déjà, on s’affaire à comparer une technique par rapport à l’autre et, selon un suivi de 5 ans, on constate que 1 pontage sur 5 est occlus à 5 ans alors que 95 % des artères mammaires sont encore fonctionnelles.
Les risques de la chirurgie de pontage sont aujourd’hui bien documentés. Le risque d'un ACV est de 3 %, celui de mortalité de 2 % et de 1 % pour ce qui est des crises cardiaques.
Elle soulage l'angine chez 95 % des gens et 90 % des patients qui ont été opérés bénéficient d'un taux de survie de 5 ans.