Épisode 20- La découverte des statines

Épisode 20- La découverte des statines

En introduction à cet article, il faut reconnaître tout d'abord qu'à l'époque, soit au début du XXe siècle, on savait que la plaque d'athérome était responsable de l'obstruction des artères coronaires.

Une découverte d’importance survenait à la fin des années 1900 lorsqu’on avait mis en évidence la rupture de cette plaque comme étant l’une des causes des crises cardiaques.

On savait donc que le cholestérol était à l'origine de cette plaque et que, malgré les 2 traitements alors disponibles, on ne pouvait rien changer à son devenir. L'une des interventions consistait à faire un pont au-dessus du point d’occlusion de la plaque et l’autre était de l’écraser avec un ballonnet.

 

Akira Endō

C’est ici qu’entre en jeu Akira Endō. Né au Japon en novembre 1933, son histoire débute avec un fait vécu en compagnie de son grand-père qui lui fait découvrir les éléments de la nature. Une plante ou plutôt un champignon les fascine car celui-ci est mortel pour les mouches, mais inoffensif pour les humains. Cette expérience sera déterminante pour son avenir.

Au Japon, Akira Endō est à l'emploi de la société pharmaceutique Sankyo, à Tokyo. Ses premiers travaux lui donnent la possibilité d'aller travailler au Albert Einstein Medical College, à New York; il y séjournera pendant 2 ans.

 

Il s’intéresse principalement aux gras

Les recherches d'Akira Endō portent sur le métabolisme des lipides, les gras.

En ce temps-là, on utilisait l'artère mammaire interne gauche, située sous le thorax, pour faire un pontage coronarien, en plus de se servir d'une veine de la jambe. Cette artère est peu touchée par l’athérogénèse, un dépôt de gras grumeleux qui se forme sur la paroi interne de l'artère.

 

Cette révélation le fait s’intéresser à la plaque athéromateuse. Il veut trouver une façon de bloquer la formation du cholestérol!

 

Les sources de cholestérol

Une partie du cholestérol sanguin provient de l'alimentation, mais les deux-tiers de celui-ci sont fabriqués par le foie. C'est là où Akira Endō concentrera ses recherches.

 

Retour à la nature

Il revient à ce champignon de jadis. Son hypothèse est que certaines substances sont potentiellement capables de tuer en inhibant l’avènement du cholestérol.

Et ses travaux débutent. Plusieurs variétés de champignons y passent. Les déceptions sont le carburant de ses espoirs.

Mais, à chercher une aiguille dans une botte de foin, il trouve la fille du fermier! Il découvre un membre de la famille des statines, le super traitement de la maladie coronarienne.

 

Le penicillium

Ironie du sort, cette statine vient d’un champignon appelé penicillium! La découverte de la pénicilline, effectuée bien avant la Deuxième Guerre mondiale et fabriquée à la fin de celle-ci, avait rétrogradé différents types d’infections du rang de première cause de mortalités.

Étant donné que le nombre de décès avait diminué avec l’utilisation des antibiotiques, la maladie coronarienne s’installait désormais à la tête de ce funèbre palmarès.

Les statines sont la pénicilline du cœur et l’avenir démontrera qu'elles sont parvenues à déplacer la maladie coronarienne de son triste classement en tant que première cause de mortalité.

 

Une nouvelle thérapie qui suscite peu d’intérêt

Au cours des années 1970, Endō appelle son premier produit la mévastatine. Cette statine baisse le mauvais cholestérol, le LDL, de 20 à 35 %.

L’entreprise Sankyo obtient les droits d’auteur de la mévastatine en 1974 et Endō publie ses données en 1976. Cette même année, il les présente au International Symposium on Drugs Affecting Lipid Metabolism, à Philadelphie. Peu de participants semblent intéressés.

 

Convaincu, il poursuit

Sankyo congédie Endō, mais celui-ci ne s’arrête pas là...

Non loin de l'entreprise Sankyo, un Dr Akira Yamamoto traite un groupe de patients qui ont un taux de cholestérol anormalement élevé, issu d’une rare condition héréditaire dénommée hypercholestérolémie familiale. Il demande à Endō de lui fournir de sa médication. On ajusta la posologie du médicament selon les besoins particuliers de chacun des patients et les résultats furent étonnants!

 

Coup d’épée dans l’eau

Endō propose à son ancien employeur, Sankyo, de mener une étude clinique pour documenter cette baisse des taux de cholestérol, ce qui n'avait jamais été réalisé auparavant. Sankyo accepte, mais, en cours de route, il exclut Akira Endō de la mise en œuvre du projet et le congédie définitivement.

L'entreprise ne produira jamais cette découverte et celle-ci ne sera jamais commercialisée.

 

La société pharmaceutique Merck se montre intéressée

Cependant, tout n’est pas perdu. Fils d’un immigrant grec issu d'un milieu modeste, le brillant physicien et scientiste Roy Vagelos est nouvellement promu à la présidence de la société Merck. Il est à la recherche d’une nouvelle médication révolutionnaire.

La maladie coronarienne, étant la première cause de mortalité au monde, M. Vagelos connaît bien chaque étape de la production du cholestérol par le foie. Il voit tout le potentiel des travaux d’Akira Endō.

Un peu plus tard, une entente entre Sankyo et Merck est conclue, un document d’une seule page! Merck obtient les documents de travail d’Endō et tous les droits d’auteur sur ses recherches subséquentes. Par contre, les droits de fabrication de la mévastatine sont toujours détenus par Sankyo.

L'histoire révélera ensuite qu'Endō mettra au point un produit frère à la mevastatine, la lovastatine.

 

En route vers une thérapie primordiale

La société Merck ne s’arrête pas à son premier succès et poursuit ses recherches dans le monde des statines.

En avril 1994, soit 18 ans après la présentation d’Endō à Philadelphie, une importante étude scandinave est publiée. Il s’agit de la Scandinavian Simvastatin Survival Study (4S), laquelle s'appuie sur l'utilisation du simvastatin, un produit cousin du lovastatin, par des patients atteints d'une maladie coronarienne et dont le taux de cholestérol sanguin est élevé.

L’étude démontre qu’après avoir suivi ces patients pendant 5 ans, leur taux de cholestérol avait baissé de 35 %. De là, une diminution de 42 % des attaques cardiaques, comparée à un effet placebo, le cas échéant.

 

Monsieur Endō

Un fait anecdotique : en 1994, Endō consulte son médecin pour un taux de cholestérol élevé. Le médecin le rassure, lui disant de ne pas s’en faire car il existe une excellente thérapie pour son problème!

 

Akira Endō est aujourd’hui récipiendaire de nombreux prix. L’un d’eux, remis en 2008, est le prestigieux Lasker-DeBakey Clinical Medical Research Award pour l’ensemble de ses travaux. Plusieurs tels lauréats ont reçu par la suite un prix Nobel dans leur domaine propre. C’est à suivre…