L'IMPACT DE L'ENVIRONNEMENT SUR LE COEUR

07 avril 2018

L'IMPACT DE L'ENVIRONNEMENT SUR LE COEUR

 

La cardiologie environnementale considère l’impact de l’environnement dans l’étude de cette science qu’est la cardiologie.

Certains facteurs sont réputés pour augmenter les risques de voir surgir une maladie cardiaque et ils sont bien connus.

Ces facteurs sont regroupés sous deux classes : les facteurs de risque modifiables et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers incluent le sexe masculin, l’âge et le bagage héréditaire. Pour leur part, les facteurs modifiables comprennent le tabagisme, la sédentarité, l’obésité, le diabète et l’hypertension artérielle.

Nous savons maintenant qu’il faut ajouter un facteur de taille à la liste des facteurs modifiables. Il s’agit du milieu dans lequel on vit, c’est à dire notre environnement.

 

Du tuteur coronarien au tuteur d’arbres

La mondialisation de l’information nous permet de savoir instantanément tout ce qui se passe dans le monde. Il en est de même pour la compilation des statistiques des décès de certaines maladies.

Les informations peuvent être comparées d’une région à une autre, d’un pays à un autre. Nous pouvons ainsi voir, selon les régions, les différences sur le nombre des gens atteints de maladies et sur le nombre de décès cardio-vasculaires.

Ces comparaisons statistiques font surgir des questions. Par exemple, de façon générale, pourquoi les gens d’une région sont plus ou moins atteints de ces maladies cardio-vasculaires et pourquoi en décèdent-ils plus ou moins?

Les différences, reliées à l’alimentation et à l’environnement, sont maintenant bien connues. Voyons un peu de quoi il en retourne.

 

Grandes différences de mortalité cardiovasculaire entre les pays

Il y a quelques années, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié un tableau stupéfiant dans lequel on apprenait que les hommes russes et ukrainiens (âgés de 25 à 64 ans) ont un taux de mortalité cardiovasculaire 11 fois plus élevé (1100 % !!) que les Suisses et les Espagnols.

Une si grande différence ne peut s’expliquer uniquement par les facteurs de risque classiques.

 

Facteurs de risque traditionnels

Comme mentionné précédemment, les facteurs de risque individuels de la maladie coronarienne sont bien identifiés et comprennent l’historique familial, le tabac, le diabète, l’hypercholestérolémie, l’hypertension, l’obésité ainsi que la sédentarité.

Dans notre école traditionnelle de médecine, on a bien caractérisé les facteurs familiaux et individuels, mais les facteurs environnementaux sont des éléments importants qui ont seulement été ajoutés récemment.

 

Révolution industrielle = augmentation de mortalité cardiovasculaire

En prenant du recul, on réalise que la maladie cardiovasculaire était beaucoup moins fréquente dans l’ère préindustrielle.

De fait, entre 1900 et 1950, le nombre d’infarctus a quadruplé aux États-Unis tandis qu’on en recense beaucoup moins chez les humains vivant hors du monde industriel.

Dans le temps et dans l’espace, chaque révolution industrielle a vu déferler une vague de mortalité cardiovasculaire. Les principaux responsables environnementaux ont été les nano-agresseurs aériens, c'est-à-dire de minuscules-agresseurs (particules polluantes), les nano-agresseurs alimentaires (additifs industriels) ainsi que la minéralisation urbaine, c’est à dire le béton mur à mur.

 

Pollution de l’air responsable

Il a fallu attendre mars 2014 pour que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) révèle qu’à travers le monde, sept millions de décès – un sur huit - sont imputables à la pollution de l’air.

On pense évidemment aux pays en développement comme principales régions affectées par ce phénomène.

 

 

Toutefois, il convient de rappeler qu’en 2008, au Canada, certains estimaient à 20,000 le nombre de décès excédentaires à ceux prévus « normalement » et à 9,1 milliards, les frais de santé imputables à l’impact négatif de l’environnement.

 

Décès excédentaire : calcul 101

Le nombre de décès excédentaires est en fait la différence des décès attendus et le nombre de décès réels pour une population aux prises avec une maladie du cœur.

On calcule le nombre prévu de décès selon le  nombre de personnes ayant une maladie cardiovasculaire et le taux de mortalité habituellement vu.

Par exemple, si le taux de mortalité d’une maladie du cœur est de 5% par année, pour 1000 personnes atteintes, le nombre de décès attendus est de 50. Dans le cas où 75 personnes sont décédées dans cette année, le nombre de décès excédentaires est de 25 personnes.

 

Stress oxydatifs et inflammation

Les mécanismes, par lesquels les polluants atmosphériques entraînent infarctus, AVC et morts subites, sont aujourd'hui bien documentés.

Résumons-les en « stress oxydatif » et inflammation associée.

Si je tente de vulgariser le « stress oxydatif », je dirais que les cellules possèdent des petites centrales nucléaires pour fabriquer leur énergie. Ces petites centrales produisent des polluants, appelés « radicaux libres », qui sont la cause du stress oxydatif. L’antidote, ce sont antioxydants dont on entend de plus en plus parler.

Le problème ici est le débalancement entre la production de radicaux libres et la disponibilité des antioxydants.

 

L’amélioration de la qualité de l’air porte fruit

Une victoire récente et historique s’est produite en 2014 à Montréal et à Toronto alors que ces deux villes ont connu un été sans smog pour la première fois depuis que de tels relevés sont faits.

L’Université de Toronto a estimé que cette amélioration de la qualité de l’air a contribué à une baisse des mortalités excédentaires dues à la pollution (1 300 contre 1 700 en 2004) et à une baisse des hospitalisations (3 550 contre 6 000).

Les experts l’attribuent principalement à la fermeture des usines au charbon et au programme « Drive Clean » ontarien.

Une victoire semblable s’est produite dans les années 1980 à la suite de l’éradication règlementée du plomb dans l’essence. Les niveaux de plomb ambiant ont tellement baissé que le Réseau de Surveillance de la Qualité de l’Air (RSQA) de Montréal ne les mesure plus.

Cependant, la lutte pour l’amélioration de la qualité de l’air est loin d’être complétée comme le prouve le fait que seulement une journée sur trois est considérée comme « bonne » (indice de la qualité de l’air <25), au centre-ville de Montréal.

L’importance de cette lutte est également démontrée par une conclusion d’une récente étude, faite à Boston par l’Université Harvard, démontrant que lorsque l’air passe de « bon » à « passable » (IQA 25-50), on assiste à une hausse de 35% à 50% d’AVC.

L’édition d’octobre 2014 du Chicago Medicine a fait ressortir un estimé de l’Environmental Protection Agency (EPA) selon lequel chaque dollar investi pour se conformer au « Clean Air Act » entraîne une diminution de $25 des frais de santé.

 

‘’Pollution’’ alimentaire responsable

En plus des nano-agresseurs aériens émis par les combustibles fossiles, on a vu apparaître des nano-agresseurs alimentaires dans notre quotidien sous la forme d’additifs alimentaires industriels.

Parmi la multitude de nouvelles molécules qu’on retrouve dans ces additifs, l’excès de sel omniprésent, les gras trans et les sucres industriels ajoutés entraînent leur lot particulier de complications.

La dissémination massive de ces molécules crée de l’hypertension, de la dyslipidémie, un syndrome métabolique (le quasi diabète), de l’obésité et, à terme, infarctus et AVC.

Pis encore, la pollution atmosphérique aggrave ces agressions.

Par manque de juridiction efficace, plusieurs avis et mots d’ordre sont donnés, souvent en vain, par les associations. Le manque de juridiction est exacerbé par les 30 000 messages publicitaires de malbouffe que l’enfant reçoit avant l’âge adulte, par les distributrices de sodas dans les écoles (heureusement, on a commencé à les retirer…) ainsi que par la proximité des « fast-foods ».

 

Pollution aérienne et alimentation se potentialisent

Nos artères subissent la tempête vasculaire parfaite quand la pollution et la nourriture industrielle conjuguent leurs effets négatifs.

Des chercheurs ont démontré que des souris, exposées simultanément à de la nourriture grasse (type fast-food) et à de la pollution, développent des plaques massives d’athérosclérose dans leurs aortes.

 

Pollution et nourriture industrielle renforcent leurs effets négatifs respectifs.

 

Milieu urbain bétonné

Par ailleurs, le milieu urbain s’étend et se minéralise, c’est à dire qu’il laisse peu ou pas de place aux zones vertes. De nouvelles contraintes apparaissent alors tels les îlots de chaleur urbain, les pics de smogs, l’absence de couvert végétal qui tempère et filtre l’air ainsi que les problèmes de ruissellement et de drainage.

 

Impact fracassant

En 2003, un coup de semonce climatique s’est produit en Europe alors qu’on a enregistré 70 000 décès excédentaires lors de la canicule du mois d’août. En France, le bilan s’est élevé à plus de 20 000 décès excédentaires, recensés principalement dans les milieux urbains presque dénués d’espaces verts.

À Paris, les morgues ne suffisant pas, on a dû entasser des cadavres dans des frigos à viande. Cette situation a semblé irréelle dans ce pays, considéré par l’OMS, comme ayant le meilleur système de santé.

Incroyable mais vrai, il a suffi de ce seul événement climatique pour que l’espérance de vie recule en France pour une première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.

Il ne faut pas s’étonner que le concept d’îlot de chaleur urbain ait alors gagné en force.

 

Importance du milieu vert

On s’est aussi mis à porter un nouveau regard sur la déforestation après avoir réalisé que la moitié des forêts de la Terre ont été coupées.

Ce nouveau regard a rehaussé l’importance des arbres dans nos milieux urbains ainsi que dans tous les aspects de notre vie, à savoir beauté et harmonie, bien-être psychique et physique, tempérance de climat, diminution des frais d’énergie des bâtiments, purification de l’air, extraction et métabolisme des molécules polluantes.

 

Des centaines d’études témoignent des effets positifs des arbres dans notre milieu. La plus spectaculaire de ces études est celle menée par des Écossais qui ont voulu mesurer l’impact d’un milieu vert sur la santé. Cette étude, portant sur  40 millions de sujets britanniques a conclu que, toute classe confondue, on a pu observer 6% moins de mortalité cardiovasculaire en milieu vert en seulement cinq ans de suivi.

Trois mécanismes d’explications possibles ont été retenus, à savoir moins de pollution en milieu vert, une meilleure filtration et épuration de l’air par les arbres ainsi qu’une action bénéfique des protéines arboricoles sur notre organisme.

 

Mode solution : d’abord, les hôpitaux

Si une cité éradique les nano-agresseurs aériens et alimentaires, puis promeut un milieu vert et actif, elle peut s’attendre à une baisse de 25% à 75 % de morbidité cardiovasculaire.

Lors du premier sommet Climat-Santé de l’OMS en août 2014, plusieurs pays et organismes ont signé une entente de reforestation par laquelle ils se sont engagés à planter 100 millions d’arbres. Partout, l’application des différents « Clean Air Acts » entraîne une baisse de mortalité cardiovasculaire.

L’argumentaire de la santé rejoint celui des changements climatiques, à savoir moins de combustibles fossiles et plus d’arbres.

Montréal a-t-elle entamé une révolution en s’engageant à augmenter son étendu vert pour le faire passer de 20% à 25%. Pas vraiment. L’étendu vert de Toronto se situe à 27%, celui de Halifax est à 40% et, celui du Vancouver métropolitain, à 42%.

 

Centres hospitaliers : soins et exemple à donner

Les centres de santé sont des acteurs importants de nos milieux, non seulement à cause des soins qu’on y prodigue, mais aussi comme exemple de bons citoyens corporatifs. D’où l’importance de l’émergence de l’hôpital vert. De plus en plus, on se préoccupe de l’empreinte environnementale des bâtiments.

La santé environnementale rejoint les objectifs des experts du climat. Dans le mandat global du gouvernement du Québec, on note une préoccupation à l’effet que tous les ministères et organismes (MO) incluent dans leur développement une stratégie pour abaisser les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre – les fameux GES – ainsi que des polluants, tout en optant pour des solutions vertes à tous les égards.

Les « 3R » (réduction, réemploi, recyclage) se diffusent dans le système de santé, conscient que les hôpitaux émettent à eux seuls 2% des GES du pays.

Les institutions de santé commencent à s’inclure dans cette démarche d’hygiène environnementale.

La Journée de l’arbre de la santé, débutée en septembre 2008 à l’hôpital de la Cité de Laval au Québec, s’étend maintenant de Sherbrooke à Val d’Or, en passant par Trois-Rivières et Lanaudière.

Cette journée est un moment idéal pour souligner les liens entre environnement et santé, pour diffuser des connaissances récentes en santé environnementale et pour souligner les bons coups de nos institutions.

 

Gestes individuels renforcent les comportements collectifs

En dépit des soubresauts politico-administratifs épisodiques, les administrateurs hospitaliers et les médecins doivent intégrer ces  nouvelles connaissances à leurs décisions pour joindre les efforts des gouvernements et entreprises.

Chacun de nos gestes individuels renforce les comportements collectifs.

Il faut penser globalement et agir localement.